C'était à couper le souffle. Tout semblait féerique, et la jument de jais se sentait comme transportée dans une nouvelle galaxie. Elle tournoyait sur elle même, les yeux rivés sur les magnifiques arbres aux couleurs rosées. Chaque fleur émanait un parfum qui lui faisait tourner la tête. Chaque arbre l’impressionnait à lui en faire perdre la raison. Le sol éatit recouvert d'un épais tapis de feuilles, où se mêlait un joli beige, un pâle mauve et quelques teintes ocres, marrons et noisettes. Ses sabots brillants s'enfonçaient silencieusement dans la couche molle des fleurs tombées à terre. Sa croupe s'abaissait au fur et à mesure qu'elle tournait. Accélérant le mouvement, elle en vint à faire une petite pirouette, ses antérieurs frappant le sol avec prestance. Aussitôt, elle stoppa net. Ses naseaux s'étaient gonflés par l'effort, elle soufflait comme un boeuf. Au fond de ces yeux, quelques taches jaunes apparaissaient tandis que les vaisseaux de ces orbites s'époumonaient en rouge pourpre.

Le nez frôlant le sol, la jeune jument à la belle liste impeccablement blanche arrachait à l'aide de réguliers coups de dents l'herbe rare parmi les feuilles rosées déposées au sol. Sa queue fouettait ses pattes arrières. L'encolure basse, elle errait. Sa vie ne se résumait qu'à ça, errer sans but, sans conviction. Les seules touches de couleurs dans sa vie en noir et blanc étaient ses maigres rencontres avec d'autres équidés. Et c'était pour cela qu'elle s'autoriser d'entrer en terres interdites. Lorsqu'elle franchissait les frontières, une décharge d’adrénaline se déversait dans ses veines, irradiant son intérieur. Elle en était folle de cette sensation, de cet envol de papillons dans son bas-ventre et l'illumination de ces étoiles à l'intérieur de sa cervelle.

Ses antérieures se brisèrent, et ses genoux tombèrent au sol. Ses flancs s'étalèrent contre la tapis mousseux avant que sa croupe n'y plonge également. Une fois couchée, elle allongea son encolure brune et se roula énergiquement sur les pétales odorantes. Sa joue se frotta doucement, et elle scella ses paupières pour éviter qu'une quelconque poussière vienne s'y loger. Plusieurs fois, en poussant le sol du bout de ses sabots, elle se frotta contre l'herbe recouverte de fleurs mauves. Une fois pas deux, elle roula complètement, attérissant de l'autre côté. En un coup de reins puissant, elle se releva, cambrant son dos et son garrot. Une fois campée sur ses quatre pattes, elle s'ébroua, laissant sa crinière corbeau retomber en cascade le long de sa fine encolure. Quelques pétales s'y étaient logés. En un soupir d'aise, elle étira son cou en remuant sa tête de gauche à droite. La journée commençait bien.

Une fine brise lui décrocha un long frisson. Celui-ci remonta le long de sa colonne, la faisant trembloter doucement. La brune releva son port de tête, courbant la nuque. Elle se sentait épiée. Un peu comme un animal en cage, elle sentait qu'on l'observait dans le moindre de ses détails. Un nouveau frisson la parcouru, mais le vent n'était pas le coupable cette fois-ci. Son coeur manqua un battement avant d'adopter un rythme anormalement rapide. Toute sa maigre vie, les autres avaient agis dans son ombre, derrière son dos, ne lui faisant pas face, évitant ses coups d'oeil, et voilà que ça recommençait. La noiraude tâcha de respirer calmement. Montrer sa peur n'avait jamais été l'une des meilleures choses à faire. Bien que ses muscles étaient bandés par la pression, elle s'avança de trois minuscules pas, histoire d'y voir un peu plus clair. Une ombre, à demi-cachée par le tronc de l'arbre aux pétales de rose la fixait. La jeune sentit ses membres trembler vulnérablement. Elle se laissa quelques secondes avant de se grandir, et d'attendre que la forme sombre veuille s'approcher.

La silhouette fit un pas, puis un autre. Un magnifique cheval crème sortit de l'ombre, éclairant la clairière tant par sa robe éclatante que par cette prestance et cette présence qu'il dégageait. Tout de suite, Shams reconnut les effluves d'un étalon, mais pas d'un étalon Feu. Il aurait fallu qu'elle s'y attende. Vagabonder en terres inconnues rimait avec rencontres d'inconnus, il était évident. Son coeur battait à nouveau normalement et elle put contenir un semblant de fierté. Dans le regard ciel de l'étalon, elle pu lire une certaine curiosité, ajoutée à une once de surprise. Mais ce n'était pas la surprise réjouissante qu'on éprouvait quand on retrouvait un vieil ami, quand on trouvait une pomme bien mûre, quand on buvait l'eau et qu'elle était glacée, quand on vous annonçait votre promotion à un poste plus important, non plus la surprise triste quand on vous annonçait le décès d'un de vos membres, quand vous constatiez que l'herbe grasse était partiellement recouverte de neige ou quand vous vous retrouviez face à un feu de forêt, non, c'était une surprise bien plus âcre, bien plus amer qui trônait au milieu des prunelles du cremello. C'était la surprise qu'on ressentait quand on avait la dégoûtante impression qu'un inconnu venait troubler votre paix, quand un insolent empiéter sur vos terres ou vous empêchait de dormir tranquillement. et forcément, cela était beaucoup moins agréable pour la noire, beaucoup moins.

Retrouvant un semblant d'assurance, Shams puisa au fond d'elle même pour soutenir le regard transparent du mâle. Elle savait le regard des étalons dur sur elle, mais celui-ci lui fit encore plus mal que tous ceux qu'elle avait bien du affronter. Celui-ci la lapida sur place. C'était comme si dès que les orbes azurés de l'étalon l'effleuraient, une lame venait se loger dans ses flancs. Des picotements la démangèrent un peu partout, traînés par le regard dur du crème. Elle fit face, comme elle l'avait toujours fait, en silence. Cette étreinte silencieuse qui les reliait était un peu trop pressante. La noiraude s'en sentit gênée, elle ne le connaissait pas et pourtant, quelque chose semblait se briser entre leurs deux âmes. Elle se sentit obligée de briser la bulle silencieuse qui les unissait.

- « A plusieurs reprises, on m'a parlé de la beauté de cet endroit, je me sentais obligée d'y mettre les pieds. Et je n'en suis pas déçue, c'est à couper le souffle. »

Sa voix grave se brisa à la fin de sa phrase. La tension entre eux deux était étrange et la mettait mal à l'aise. Elle secoua sa tête timidement, et son toupet vint barrer son regard. La jument donna un coup de museau dans l'air, dégageant ses yeux. Il était tant de l'affronter face à face.

Quelques minutes, suspendues, silencieuses, intenses, s'écoulèrent après qu'elle eu brisé le silence. Le crème avait toujours une moitié de son corps plongé dans le noir. Le fait qu'il soit découpé, d'un côté aspergé par la lumière et de l'autre engloutit par l'obscure ajoutait du mystère à la situation. L'étalon à la robe peu banale fit quelques pas, croisant ses jambes. Il sortit de l'ombre et tout de suite, Shams se sentit petite. Elle se tassa sur elle même. De nouveaux spasmes firent trembler son épiderme. Elle le trouvait tellement impressionnant. La robe pâle du mâle s'enflammait de reflets or sous les caresses des rayons de l'astre roi. Il était imposant, non pas par sa carrure de muscles, bien qu'impressionnante, mais par son regard transperçant et par sa couleur crème qui vous abîmait les yeux. Elle courba l'échine tandis qu'un frisson faisait trembler sa jolie crinière rousse. Ses paupières crépitèrent avant qu'elle ne les scelle juste quelques secondes, puis ne les rouvrent. Le mâle avait parlé.

« Vous voilà bien présomptueuse d'ainsi vous aventurer sur des terres qui ne sont pas vôtres, aussi vantée leur beauté soit-elle... »

La jeune brune se sentit paumée. Ses ganaches la brûlèrent tant elle se sentait humiliée. Elle aurait voulu rapetisser et s'enfuir dans un trou de souris. Mais non, elle devait se contenter d'attendre sagement qu'il ai fini de la faire se sentir comme une moins que rien. Alors qu'elle tentait de ramener son coeur en un rythme banal, le mâle reprit.

« Mais courageuse, aussi. Quel nom vous donne-t-on, par delà nos frontières ? »

Et là, ce fut comme un émerveillement. Une nuée de papillons s'envola au creux de ses reins, tandis que, des étoiles dans les yeux, elle bomba le torse, tout d'un coup ravitaillée. La joie pétillait soudainement en elle. La fierté lui chatouillait les naseaux. Shams secoua fièrement la tête puis se reprit, inutile de passer pour la vantarde de service. Elle posa de nouveau son regard de velours sur l'étalon crème et esquissa un léger sourire, consciente de son ridicule. On aurait presque dit une gosse de deux ans qui se réjouissait devant un jouet. Elle retint un rire moqueur, moqueur d'elle même et tâcha de répondre sérieusement.

« Shams. C'est à Shams que je réponds. »

Elle laissa un nouveau silence s'installer, tandis que le cremello digérait sa réponse. Le regard de la noiraude frôla ses orbes azur cerclés par une peau rosée. Il devait craindre le soleil. Les yeux de Shams se voilèrent. Était-ce un signe ? Devait-il la craindre ? La femelle laissa une grimace de dégoût s'installer sur ses lèvres, mais pas plus de quelques secondes, pour le moment, elle ne représentait pas un danger pour lui, autant en profiter.

« Et vous, monsieur, à quoi répondez-vous ? »

Pimenter la question d'un sourire enfantin. Fermer les yeux sur ce couteau planté en plein milieu de son estomac. Et oublier. Oublier qu'il serait susceptible de la craindre.

| En fait elle est noire, avec des reflets roux et les crins noirs aux reflets roux également ^^ Je te montre la ponette dont elle est inspirée. Merci beaucoup, toi aussi ! |

Spoiler:

Le crème l'observait d'un oeil distrait mais attentif, prenant son temps pour répondre à sa précédente question. Shams avait prit pour habitude de ne pas trop attendre des gens. Plusieurs personne l'avait déçue et elle s'était forgée son propre opinion sur le monde suite à ces défaites. C'est pour cela que lorsqu'elle s'intéressait à eux, elle laissait toujours entrevoir la possibilité que eux, ne s'intéresse pas à elle. Et c'est ce qu'elle faisait aujourd'hui, attendant de savoir si oui ou non, elle allait pouvoir en savoir plus sur ce bel étalon à la robe pâlichonne.

Mais, malheureusement pour son partenaire, elle avait bien vu. Le pauvre, craignait l'astre royal. Et c'est ce moment là que choisi chère petit père le nuage pour s'enfuir à toutes jambes au fin fond des cieux. La lumière jaillit à travers les maigres branches qui leur faisait office de toit. Shams laissa quelques secondes à ses yeux avant qu'ils ne s'habituent à l'aveuglante ambiance dans laquelle ils baignaient à présent. Le cheval, au contraire, semblait bien embêté par ses rayons un peu trop collant. Peinant à ouvrir les yeux, il reculait de quelques pas, désorienté. Le problème fut réglé en mois de quelques secondes. La jument n'y prêta pas une nette attention, mais remarqua malgré elle, ce mouvement qui là-haut finit tout simplement par cacher de nouveau le soleil. Elle ne dit rien, de peur de s'embarquer dans un domaine qui ne la concernait pas.

« Szèl me fait habituellement prêter l'attention à celui qui l'a dit. Mon humeur dépendra du ton utilisé... »

Szèl. Nom tout aussi étrange et fascinant que celui à qui on l'avait attribué. L'inconnu -qui ne l'était plus tellement maintenant-, eut un sourire quelque peu déstabilisant. Shams ne su pas comment l’interpréter mais n'en fit rien. A quoi bon ? Lui demander la signification de ce sourire ? S'il était moqueur ? Taquin ? Joueur ? La situation était bien trop mystérieuse pour continuer à ce poser des questions inutiles de la sorte. La noiraude secoua l'encolure, comme soudainement habitée par une horde de puces en folie. Puis, elle reporta son attention au cremello et murmura :

« Je tâcherais de m'en souvenir.» souria-t-elle, comme une vielle amie à son copain de toujours.

Soudain, un oiseau s'envola brusquement, claquant l'air de ces monstrueuses ailes noires. La jument sursauta, puis se rendit compte du ridicule de la situation. Elle n'en fit rien, se contentent de dévisager le mâle. Si il voulait la juger, qu'il la juge, elle n'en avait que faire. Elle brisa de nouveau le silence, en parlant très bas, comme si elle dévoilait un secret bien caChé depuis des décennies :

« Vous arrive-il d'avoir peur ?»

Les yeux dans les yeux, cette expression convenait parfaitement à la situation. Le crème et la rouquine se dévoraient des yeux. Mais ce n'était pas comme les amoureux juvéniles à la veille d'un amour sans fin, non plus comme les machos pré-pubères à la vue d'une bombe sexuelle, non, eux, c'était différent. Leurs regards se heurtaient l'un à l'autre, se mesuraient. A qui appartiendrait la victoire, aux prunelles azurées ou aux orbes noisettes ? Telle était la question qui devait bien se résoudre à admettre qu'elle resterait sans réponse.

« Oui. Et je n'en retire aucune honte : la peur, pour qui la maîtrise, peut apporter beaucoup. »

Répondit-il finalement, laissant ensuite le silence retomber. C'était tout. Il n'y avait pas de quoi meubler la conversation et la jument s'en sentit quelque peu déçue. Il n'était pas de ses loisirs de dominer les conversations. Généralement elle laissait les autres venir à elle, lui poser les questions, se contentant de répondre. Mais, là, encore une fois, tout était différent. Alors oui, il lui arrivait d'avoir peur, tout comme elle. Ils avaient un point commun -malgré le fait que tout le monde se devait d'avoir peur de quelque chose-.

« Je pourrais continuer, des heures et des heures, à vous poser toute sorte de question, mais je ne suis pas sûre que vous y preniez plaisir. »

Esquissant un sourire, la jument continua de l'observer tranquillement. Elle n'était pas pressée.

La robe crème du mâle l'aveugla. Il venait de se déporter de trois pas vers la gauche et la lumière s'était dardée directement sur son poil, le faisait luire de milles feux. La jument à la robe noire cligna des yeux. Ils étaient un peu le contraire l'un de l'autre. Lui, calme posé, presque transparent. Et elle, vive, intenable, euphorique. Malgré qu'elle s'en rende compte, la jeunette trouvait qu'à deux, ils se compensaient, d'une certaine manière.

« La question n'est pas d'y prendre plaisir ou pas... »

Ah bon ?

Shams ne le quitta pas des yeux, attendant le reste de sa phrase qu'il avait laissé en suspens. Le cremello se dirigea vers le lac. Baissant la tête, il frôla la surface impeccablement lisse de ses lèvres roses avant de laper goulûment le liquide frais. Shams n'en quittait pas un miette, consciente que son regard devait peser lourd. Très lourd. Il tourna enfin la tête vers elle, et termina machinalement sa phrase.

« ...mais de ce que peuvent apporter les questions et leurs réponses. Si vous les estimez utiles, ne serait-ce que pour l'un d'entre nous, posez-les. »

Pour elle, même les questions les plus futiles lui seraient intéressantes. Elle se satisfaisait de ce genre de détails inutiles, comme la couleur préférée, le fruit favoris, les opinions religieuses ou tout autre choses qui formaient le quotidien et que bien souvent, on se contentait d'apprendre un jour ou l'autre, sans se presser. Elle ne sourit pas, cette fois.

« Pourquoi ne pas m'avoir chassée ? »

| N'étais inspirée *.* |
C'est vrai après tout, pourquoi l'aurait-il fait ? Pourquoi aurait-il eu envie de la chasser ? Que faisait-elle de mal ? Que faisait elle de mal mise à part tenter désespérément de garder al tête de l'eau ? Qu'était-elle venu chercher là ? De l'aide ? Une aide particulière surement ? Oui, elle se l'avouait enfin. Ce qu'elle était venu faire ici, c'était chercher une aide, un soutien, une épaule sur qui s'appuyer. Et c'est pour ça qu'en rencontrant le mâle, elle n'avait espéré qu'une chose, qu'il la laisse rester. Et c'est ce qu'il avait fait, il était rentré dans son jeu, peut être involontairement, mais il s'était fait une place en elle, il s'y était immiscé, et elle, n'ayant attendu que ça, l'avait accueilli bras ouverts. Elle était une nouvelle fois ce petit morceau de glace isolé, qui s'était détaché il y a bien longtemps de la grande et interminable banquise. Elle gisait, seule, au milieu de l'eau, et avait adopté ses propres façons de se mouver, de survivre. Mais maintenant, elle voulait se raccrocher, elle voulait retrouver le contact qu'elle entretenait avec les autres, elle voulait à nouveau vivre en communauté. Et le petit morceau de banquise s'entêtait à nager à contre courant, pour chercher à rejoindre l'immense mère. Mais malheureusement pour ce morceau isolé, les vagues le fouettait dans le sens opposé, l'obligeant à s'éloigner toujours plus loin. Aujourd'hui pourtant, quelque chose avait changé. Un fin courant d'air avait aidé le bloc de fgace à prendre de l'avance. Peu à peu, il se rapprochait de la banquise, en douceur, délicatement poussé par ce souffle venu des cieux. Szèl était le vent, Szèl devenait sa force. Elle avait besoin de lui. Plus que tout autre chose.

La brunette murmura un "j'en sais rien" désolé, car après tout, c'est ce qu'elle était. Elle était désolée de lui imposer sa présence, désolée de lui demander de l'aide de cette manière, désolée de l'avoir attrapé dans ses filets, désolé de l'obliger à lui faire une place dans son coeur. Désolée de tout ce qui était arrivé et de ce qui ne tarderait pas à tomber. Désolée du passé, du présent et du futur. Désolée de ses plus profondes blessures qu'elles ré-ouvrait, désolée de celles qu'elles refermaient alors qu'elles étaient encore trop mûres.Désolé de tout, désolée de rien. Désolée de lui imposer cette désolation. Tellement désolée.

Le mâle pénétra dans l'eau avec grâce, comme si, quoiqu'il fasse, cette aura majestueuse trônait au dessus de lui. Shams le regarda faire, les yeux vides. L'étalon frôla de ses lèvres la surface lisse et y savoura goulûment quelques lapées. Du regard, elle suivit la gorgée d'eau descendre le long de son encolure. Szèl frappa l'eau avec amusement, une lueur réjouie dans les yeux. Shams s'en émerveilla. Tout semblait si facile ! Elle aussi, elle voulait y goûter à ce plaisir naïf, elle aussi, elle voulait rire lorsque les gouttelettes glacées viendraient éclabousser son pelage corbeau, elle aussi, elle le voulait. répondant au plus profond des caprices de sa pensée, le mâle crème l'invita à le rejoindre. La rouquine ne se fit pas prier et s'avança curieusement vers l'eau. Son premier sabot s'enfonça sur le sol devenu meuble avec l'érosion et un frisson de délice la parcouru entièrement. C'était ça le bonheur alors ? Avec précaution, elle déposa sa deuxième patte, puis sa troisième et se retrouva enfin, les quatre membres submergés. Des millers de papillons s'envolaient au creux de ses flancs, faisant virevolter ses prunelles de plaisir. Elle était bien, simplement. En voulant plus, la femelle cassa ses genoux et les laissa tomber au sol. La terre devenue boue l'accueilli avec un défunt plaisir et épousa à merveille sa robe soyeuse. Sa croupe heurta le sol et la seconde d'après, Shams se roulait énergiquement dans la maigre quantité d'eau. Des gerbes d'eau vinrent s’écraser contre le crème, tandis que la jeune se frottait au sol avec vivacité. Elle goûtait au plaisir à pleines dents, ne se souciant que de son égoïste bonheur qui lui paraissait si rare. Quelques minutes passèrent, aussi rapide qu'elles lui semblèrent, et elle se releva, non sans une once de déséquilibre. La mine réjouie, elle se tourna vers l'autre, qui n'avait pas bougé d'un cil.

« Merci, cela faisait longtemps que je n'avais pas goûté au bonheur simple et brut tel que celui-ci. » Elle baissa la tête et aspira quelques lapées de l'eau, qui maintenant teintée de poussière du sol qu'elle avait remuées, arborait une jolie couleur beige. « Bien trop longtemps. » termina-t-elle, les yeux plongés dans les méandres de l'eau;