Sujet: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Sam 28 Juil - 23:56
Flouch. Flouch. La mer venait lécher le sol, puis se retirait devant chacun de ses pas. Au-dessus de cette ombre claire, le plafond bas du ciel grondait, parcourut de temps à autre d'une onde dont le son tordait l'Air et se propageait dans un son bas et grave, ce genre de son que vous ressentiez jusque dans votre cœur. L'étalon crème marchait, écrasant les vagues de ses sabots aussi clairs que sa robe. Son coeur battait un peu plus vite dans sa cage thoracique. Une intuition lui disait qu'aujourd'hui serait un grand jour. Il s'arrêta et regarda la mer. Le lever de soleil, se mêlant à lo'rage sombre qui menaçait, donnait à cet endroit la prestance nécessaire pour servir de décor à une grande tragédie.
L'Air souleva sa crinière peu fournie, l'invitant en silence à entrer dans une danse que lui seul connaissait. Sans se poser davantage de questions, le perlino poussa sur ses postérieurs et bondit en avant. Projetant l'eau à chacune de ses foulées, il accélérait toujours davantage, se fondant avec l'élément dont il était le Maître. Sentir le vent siffler à ses oreilles. Fendre l'Air, le nez tendu, tout le corps en tension. Galoper plus vite qu'un souffle. Autant de fantasmes que nourrissaient tous les membres de l'Air, mais lui plus encore. Et dans ce décor de matin du monde, un éclair crème fendait la plage, ses membres secs battant l'Eau qui venait mourir à ses pieds.
Puis soudain cette transe s'interrompit. Un éclair déchira l'Air, illuminant la plage sombre. Szèl s'arrêta, les pieds dans l'eau. L'Air s'enroula autour de lui avant de rejoindre les cieux. Mais le message qu'il avait apporté avait été parfaitement compris par Szèl. Un mince sourire étira ses lèvres, juste un instant. Puis, de nouveau sérieux, il se retourna lentement et fit quelques pas pour se retrouver les pieds au sec. Là-bas, à moins d'une dizaine de mètre de lui, se tenait l'être qui le détesterait sans doute le plus tout au long de sa vie. D'autant que Szèl ressemblait à son père comme deux goutte d'eau. Les yeux azurs du perlino scrutèrent un instant l'étalon qui se tenait là, comme lui, sur la plage. Puis sa voix claire s'éleva, s'accrocha au vent qui tournoyait furieusement.
« Maître de l'Eau... Voilà une rencontre pour le moins... intéressante. »
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Lun 30 Juil - 19:37
La mer rugissait à présent, arrachant le sol de ses coups puissants. Chaque vague était un écho de sauvagerie, un grognement profond émanant des entrailles de la Terre et par-delà l'horizon, comme si le sol lui même vacillait de tout son âme. Elle inspirait l'esprit des morts de l'Eau, comme si venant de l'au-delà leur colère venait attiser la Déesse. Son chant si meurtrier résonnait contre la colère des cieux, une lutte des éléments intimidante pendant laquelle les Maîtres même paraissaient bien insignifiants. Le sang du Maître de l'Eau bouillonnait sous le fracas des vagues, comme si son propre pouvoir se soumettait à la volonté de la Seule et Véritable Reine. Son corps tout entier le chatouillait de picotements, aussi délicieux quand ils lui inculquaient une force démesurée, que dangereux quand à ce que cela annonçait. Au loin, une forme claire se découpait, s'unissant avec l'air et bataillant avec l'eau. Il n'y avait nul besoin d'être devin pour reconnaître cette silhouette à la peau rose et au pelage crème. Le Maître de l'Air était là, seul. Szèl était, seul.
Il posa un sabot sur le sable. Soudain les grains s'humidifièrent et glacèrent sous la pose de la moindre parcelle de ce qui avant avait fait office de cornée. La silhouette reflétait d'un lueur inquiétante, s'illuminant davantage quand les éclairs zébraient le ciel de leur lumière d'argent. On y voyait une forme équine, mais où se mélangeaient vaisseaux, muscles, écumes, remous, glace, vapeur, eau. Ses yeux étaient d'un bleu terriblement intense, aussi profond que celui de la mer. C'était une masse d'Eau, ornée de détails de glace sans faille où se bousculaient d'innombrables particules d'eau comme le sang l'aurait fait dans un corps de chair et d'os. Chaque parcelle était en mouvance, vivace, vivante, et pourtant il ne ressemblait en rien à un cheval ordinaire. Le cheval élémentaire, le souverain de la Déesse qui encore faisait rugir ses entrailles, longea la terre. Chaque pose se fondait dans l'eau, sans éclaboussure, sans trouble. La mer semblait alimenter cette forme fantastique, baignée d'une orra combien puissante et noble. L'être lui-même, semblait venir de l'océan.
Keïross s'arrêta, toisant le Maître plus au loin. Il n'avait cherché à cacher son approche, et fut satisfait lorsque le perfide être de l'Air le remarqua. Un sourire carnassier sur les lèvres.
« Tiens, tiens.... tiens. » Commença t-il sur un faux ton de surprise. « Quelle bonne.... surprise. » Souffla t-il comme si cela l'écorchait d'annoncer une telle remarque, combien même elle fut fausse.
L’élément sembla dévisager celui de l'Air, suffisamment prononcé pour que le crème s'en rendre compte.
« Voilà donc un meurtrier. » Annonça t-il avec un calme démesuré et inquiétant.
Il ronfla des naseaux, mais seule une fumée de vapeur glacée en sortie, blanche comme la neige immaculée. sa silhouette était à peine perceptible lorsque la pénombre revenait sous les nuages. L'orage offrait une vision plus terrible encore de cette forme surnaturelle.
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Lun 30 Juil - 20:05
Un nouvel éclair zébra le ciel, illuminant ce temple grandiose dédié à la haine. En même temps que le Maître de l'Eau lui faisait face, calmement, les deux éléments semblaient s'unir et se séparer sans cesse. Peut-être que c'était en cela que résidait le secret de ce décor grandiose : ici, Air et Eau étaient rois, souvenir lointain de frères qui autrefois n'étaient pas ennemi. Ici le vent caressait sensuellement la mer, ici la pluie perçait l'air, ici les nuages étaient chargés de vapeur d'eau. Et ici aussi la colère du Maître de l'Eau se ressentait à chaque seconde. La mer se mit à rugir, servante attentive à l'ire du Roi de l'élément de vie. La moindre particule d'Eau présente sembla soudain se retourner contre lui.
Mais Szèl ne trembla pas un seul instant. Faisant face sans broncher à la forme fantastique qui s'était arrêté à une dizaine de mètres de lui, il ne cilla pas d'un poil. Il resta là, stoïque, ses quatre sabots clairs plantés dans le sable humide. Il n'avait pas peur. Il lui arrivait, parfois, de douter. Mais en cet instant précis, tout sentiment s'était effacé de lui. Son visage restait parfaitement inexpressif, ses yeux azurs se contentant de fixer les globes bleu profond de l'être d'eau qui était face à lui. Dans ce déchaînement de puissance de l'Eau, l'Air restait bien silencieux. Le vent semblait s'être calmé. Les très rares et faibles bourrasques semblaient toutefois converger vers le perlino. Le souffle léger s'enroulait autour de lui, bienveillant et protecteur. Szèl souffla doucement puis inspira profondément.
Puis le Maître de l'Eai prit la parole.
« Les rumeurs semblaient sous-estimer la haine que vous me portez... »
Il marqua une pose. Une nouvelle décharge d’électricité illumina la scène. L'étalon de l'Air détailla davantage la forme mouvante du Maître de l'Eau. Il avait quelque chose d’incroyablement esthétique chez cet être constitué uniquement d'eau. Quelque chose d'effroyable, aussi.
« Un meurtrier, disiez-vous... De quels crimes me blâmez-vous ? »
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Lun 30 Juil - 20:53
Il rit. Un rire bas et méprisant, se fondant dans l'atmosphère comme une lame en plein cœur. La créature de l'Eau n'était pas qu'une transformation corporelle dont le Maître de l'Eau pouvait user à volonté. Non, c'était bien plus que cela, c'était la force de tous les Maîtres de l'Eau réunis : leurs forces, leurs peines, leurs joies, leurs colères, leurs lassitudes, leurs haines, leurs solitudes, leurs blessures, leurs unissons. C'était l'interprétation même d'un être surnaturel, possédant et possédé qui vivait au sein même du Maître, le rongeant comme le forgeant, détruisant sa personnalité et exaltant les émois de milliers de siècles, de milliers d'âmes. Keïross avait un parfait contrôle de ses gestes, une parfaite conscience de ce qu'il disait et faisait, mais il sentait cette force le pousser comme une créature dévorant le noirceur, affamée depuis des lustres. Cette force surnaturelle et marquée par l'empreinte de tous les Maîtres, et combien même sa volonté permettait de contrôler les sarcasmes de la bête, elle n'était pas infaillible et faisait surgir les plus profondes rancœurs en la présence de celui où coule de sang de meurtriers. Ce rire, si calme, si rauque, si noir surgissait plus de la créature que de Keïross. Non pas qu'elle avait pris le pas sur le Maître du Royaume de l'Eau, mais leur unisson commune venait à détruire et à construire certains caractères pour ne former plus qu'un être, et un seul. Tous ceux qui ne comprenaient pas pourquoi les Maîtres n'usaient de cette magie auraient supplié qu'ils continuent à le faire s'ils avaient vu de leur propres yeux cet être aussi splendide qu'effrayant. Pourtant, oui pourtant, le Maître du Royaume de l'Eau ne pliait pas, il n'avait jamais plié. Sa force psychique sondait la bête d'une facilitait déconcertante, une aisance délectable pour le Maître Son rire soudain se tut. Un calme scindant l'univers en deux atmosphères trop distinctes pour être normal.
« Crois-tu vraiment que la mer de sang nourrie par tes aïeux et eux, ceux de ton peuple, par leur cruauté et leurs crimes saura se tarir? » Son regard s'intensifia, fixant d'un regard dur comme le rock et la glace, l'être qui se tenait devant lui. Sa voix était grave, d'un ton surnaturel que la créature faisait vibrer comme elle l'avait fait des générations plus tôt. « Depuis des millénaires, vous êtes des assassins, des tueurs sans merci, des assoiffés de guerre, dis-moi donc, pourquoi serais-tu différent de tes ancêtres? »
Le Maître sembla humer l'air, marquant exagérément le geste en fermant les yeux -du moins, en faisant glisser des torrents d'eaux noires sur son visage. L'odeur du crime, l'odeur du tueur. Le Jugement.
Une vague de plusieurs mètres fin s'échouer à la surface de la mer, loin sur leur flanc. Elle rugit d'une intensité dépassant l'orage, grinçant comme comme des dents affûtées prêtes à frapper. Elle sembla s'évanouir dans les remous qui se déchainaient plus sur la côté. Le Maître lui, n'avait pas bougé. La créature hurlait de lancer une offensive, il le sentait en son sein comme la certitude de pouvoir respirer pourtant ce n'était pas le désir de Keïross. Enfin... si, c'était son plus grand souhait. Mais il connaissait son peuple, il connaissait ce qu'ils les attendaient, la guerre ultime de Denmoriny. Ce n'était pas ce soir que le Royaume de l'Eau ferait couler le sang, son peuple n'était pas un tueur dans l'âme, lui non plus. Mais tôt où tard viendra où les guerriers sauront faire leur devoir, dans l'honneur et les règles de l'art. Alors le silver s'efforçait de contenir sa rage dans les gestes, en la faisant ressurgir dans ses mots, lentement... crescendo. La créature témoignait le reste de ses émois, d'une posture imposante et intimidante.
...le Jugement... murmurait la créature à l'oreille du Maître de l'Eau.
Dernière édition par Keïross le Mer 1 Aoû - 12:56, édité 3 fois
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Lun 30 Juil - 23:03
Qui était cet être ? Qu'était-ce ? Un bref instant, l'étalon perlino entrevit ce dans quoi il avait été catapulté malgré lui. Il se rendait compte des forces qui étaient à l’œuvre. Il avait face à lui un Être qui n'était que la personnification grandiose et terrifiante d'une haine sans âge, d'une rancœur ancestrale et héréditaire. N'y avait-il pas, dans ce sentiment pur et puissant qu'était la haine, une incroyable beauté et une ironie sans pareil ? Car quels Royaumes, sinon l'Eau et l'Air, auraient pu être plus liés ? L'un portait l'autre en son sein. L’Eau, sans Air, était synonyme de mort et de désert de vie. Et l'Air, sans Eau, tuait tout sur son passage par sa sécheresse. Quel lien plus fort et plus naturel pouvait-il y avoir entre deux Royaumes ? Aucun.
Soudain, au plus profond de lui, la voix du poulain abandonnée de tous s’éveilla et, infime et naïve, lui rappela la souffrance que cela avait été d'être abandonné et rejeté par tous. Personne n'avait voulu de lui. Il avait été un déchet. Un conte noir qu'on racontait aux enfants pour leur faire peur. L'histoire du poulain bâtard du tyran de l'Air. Il n'avait jamais voulu de ce rôle. Il n'avait jamais voulu que lui incombe la difficulté de lutter contre cette haine. Et, juste l'espace d'une seconde, tandis que retentissait à ses oreilles la voix caverneuse de l'apparition en face de lui, que cette voix lui emplissait le crâne et résonnait douloureusement, l'envie de fuir le prit. L'envie soudaine de tout abandonner, de tout laisser là, et de galoper, de fuir plus vite que le vent. L'espoir fou qu'il pourrait échapper à toute cette douleur, à ces paroles amères.
Et au moment où l'enfant en lui allait faire demi-tour, une force en lui se réveilla. Tel un appel, un secours venu du ciel, quelque chose trouva écho en lui. Sur la plage, l'Air jusqu'alors relativement calme jaillit de nulle part. Soufflant avec une force nouvelle, l'Air autour d'eux se mit à rugir férocement. Cela ne dura qu'une minute, mais ce fut d'une telle intensité qu'on eut l'impression qu'un troupeau de chevaux de vent leur galopait dessus, à contre-sens, vers la mer. Plongeant dans l'Eau sans hésiter, ce souffle fantastique fit reculer la mer, avant de fendre les eaux sans pitié. Puis le souffle repartit aussi vite qu'il était venu, et seule resta cette brise qui tournoyait autour des deux Maîtres. Bien que le souffle lait fait vaciller, Szèl y avait puisé une énergie nouvelle, une force de penser qu'il n'aurait jamais imaginé avoir. Car ce souffle, il l'avait senti, c'était celui de ses ancêtres, le Souffle ancestral des Maîtres de l'Air qui, malgré tous leurs défauts, étaient là, encore bien présents. Szèl état un de leurs fils, leur seul descendant. Et ils étaient là.
Alors le perlino sembla se redresser davantage, fière apparition crème dans ce paysage sombre, ses yeux azurs affrontant avec force ceux, coupants et durs, de son ennemi.
« N'oublie pas qu'une guerre se fait toujours contre quelqu'un. Et qu'il est vite fait d'attribuer les crimes à un peuple. Dans ce fleuve de sang, il y a aussi celui du peuple de l'Air. »
S'arrêtant un bref instant, son regard couleur d'eau tropicale se fit plus dure, plus acéré. Il voulait plonger dans ces globes sans pupilles jusqu'à percer le secret de cet être. Il n'avait pas peur de se noyer. Car l'Air serait toujours là.
« Tu parles de meurtrier... Mais ici, qui d'entre nous deux demande du sang ? » Sa voix se fit plus forte : « Qui d'entre nous, en cet instant, est assoiffé de guerre ? » Il s'arrêta un instant, puis ajouta plus bas, sa voix claire et assurée envahissant l'espace qui les séparait : « Qui d'entre nous, sera l'assassin ? »
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Mer 1 Aoû - 18:27
Le perlino se défendait sur les règles d'un guerre, sur ses fondements basiques. C'était... pathétique. Était-ce de cette manière que le Maître se l'Air venait expliquer les penchants assassins et meurtriers de son peuple? Faits et gestes qui ont perduré pendant des siècles de cela, versant le sang non pas par obligation ni pour vivre, mais bel et bien pour répandre ce qu'ils savent mieux répandre : le sang, la mort, la haine. Des milliers de vies prises pour leurs simples fantasmes, pour aucune raison valable. Et à présent ce Szèl, osait prétendre que le peuple de l'Eau était un assassin. Erreur monumentale. Le cœur de la créature surnaturelle -si toutefois elle en eu un fait de chair et de sang- serait sortis de ses gongs sous l'ampleur de l'insulte. Pire, les paroles venaient de l'être de l'Air, fils des tueurs les plus redoutés mais aussi haïs de tout Denmoriny. La mer voulu rugir, avaler dans un vrombissement puissant ces exécrables paroles mais le vent surgit avant, fendant l'Eau comme des griffes lacèrent la peau. Un son aigüe émana de ce fracassant contact, tel un couteau contre la porcelaine furtivement gratté, d'un coup sec et violent. Mais la créature de l'Eau ignora tout.
« Le sang coule des deux camps... oui... » grimaça t-il dans une expression haineuse.. « Mais les pertes encourues de vos rangs étaient destinées à l'être, les jours respectifs où chacun de vos paires ont souhaité répandre le Chaos sur Denmoriny. L'Eau a fait couler le sang pour survivre, les tiens l'ont fait dans le simple désir d'assouvir leurs perfides instincts. » Le silence revint, intimant aux deux Maîtres de se jauger.
Au dehors, la tempête faisait rage dans une cadence de plus en plus vivace et dangereuse. Les vents se confrontaient au mur d'eau qui balayait les roches et dévorait le sable sur le plage. Il faisait noir, la pénombre devenait lumière intense lorsque les éclairs d'argent venaient illuminer le ciel. L'ambiance était chaotique, au dehors, c'était un déferlement d'intimidation, de colère, de jeu. Un jeu important, un jeu qui n'en était pas vraiment un, mais un jeu où les règles menaient les éléments à s'acharner entre eux, et les Maîtres à le faire selon leur vœux.
Soudain, Keïross sentis la créature le faire frissonner dans la moindre parcelle de son corps. Un jet d'eau glissa violemment sur le sol, se précipitant dans les airs. A hauteur d'encolure, de part et d'autres, deux têtes d'équidés pareilles à celle de la créature surgirent de nulle part, un masque de rage, montrant les dents et d'yeux funestes semblèrent s'abattre sur le Maître de l'Air, mais ils ne firent que l'effleurer. Le Maître venait de rappeler la créature à l'ordre. Pourtant, comme s'il ne formait qu'un, cette action s'accompagna d'une voix grave, forte et roulante sous la puissance vocale dégagée.
« Alors ! pour-quoi serais-tu-différent-de-tes-ancêtres? » » répéta t-il pour marquer précisément ce qu'il attendait.
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Mer 1 Aoû - 20:24
Il n'y avait plus d'ordre. La logique du monde s’était effacée. Au dehors, les deux éléments se déchaînaient furieusement. Le hurlement de l'ire de la mer se mêlait au rugissement sauvage du vent. Mais cela n'avait pas d'importance. Cela n'avait plus d'importance. Sur cette plage décharnée par l'Eau et l'Air en furie, les deux équidés -quoique pour l'un d'eux, la nature d’équidé eut put être mise en doute- se faisaient face, mirage éphémère des Rois d'autrefois. Du moins, la créature d'Eau avait l'allure d'un Roi d'autrefois. Mais le perlino...
Alors que l'autre parlait, et que Szèl s'apprêtait à répliquer, ses paroles restèrent bloquées dans sa gorge. Il se sentait acculé. Coincé. En lui, un conflit cruel opposait le poulain rejeté, le renégat, la bâtard honteux au fils de Maître, à l'héritier de la tradition de l'Air. Il devait décider maintenant qui il était. Car oui, Szèl était différent. Il aurait voulu le hurler au Maître de l'Eau, lui montrer de toutes ses forces, comme un enfant pris en faute. Un enfant... Il se défendait comme un enfant, sur des détails dérisoires, des erreurs infimes, des faits sans réelle importance. Il contournait le sujet, il évitait le problème. Qui es-tu, Szèl ? Les oreilles crèmes de l'étalon cherchèrent d'où venait la voix. Mais elle ne venait de nulle part. Devenait-il fou ? Était-ce une hallucination de son esprit désespéré ?
Puis soudain, nées de la créature d'eau et de haine, les yeux révulsés, leur veines aquatiques affleurant sur leur encolure liquide, les dents découvertes dans un sourire de haine pure, deux têtes d'équidés se jetèrent sur lui. Et là tout bascula. Quelque chose cassa en Szèl. La peur disparut, le poulain craintif se brisa et se noya dans la colère pure qui lui gonfla les veines. Des siècles d'héritage remontèrent en lui. Le perlino ferma les yeux, ronfla bruyamment. Et quand ses deux paupières couleur de sable sec, ses yeux azurs semblaient briller dans l'atmosphère sombre qui les entourait. Ses naseaux se dilatèrent, ses muscles se tendirent plus fort. Et lorsqu'un éclair fendit de nouveau le ciel, illuminant d'un flash cette scène racinienne, il y avait cette fois deux Rois qui trônaient sur la plage.
Qui était ce Maître de l'Eau pour lui demande une justification ? Une force nouvelle lui pétrissait le cœur, lui serrait les entrailles. Au-dessus de Szèl, le plafond de nuage sembla se creuser, comme si l'étalon l'attirait à lui. Un cône de vents tournoyants, hurlant toute sa rage, descendit jusqu'au sol. Et comme s'il happait le Maître d'un main, ce cône de vent gris, emportant le sable avec lui, tournoya autour du perlino, puis s'avança jusqu'à la créature de l'Eau, et se mit à souffler furieusement autour d'elle, l’enveloppant tel un serpent monstrueux au corps de vent brûlant de particules de sable. Et lorsque Szèl prit la parole, ses iris brillant plantés dans le regard de la créature de l'Eau, sa voix, plus profonde cette fois, sembla résonner dans le souffle furieux qui leur enserrait les flancs. Car Szèl n'était plus entièrement lui. Szèl était lui, mais était aussi son père, et son grand-père, et son arrière-grand-père. Dans la vision fantastique qui faisait face au Maître de l'Eau, c'était à présent la dynastie des Maître de l'Air qui s'exprimait :
« Qu'espères-tu, Maître de l'Eau ? Des justifications ? Un tribut ? Tu réclames vengeance ? Venge-toi. Déclenche cette guerre que tous redoutent et attendent. Précipite ton peuple, le mien et les autres dans le Chaos. Je suis le fils des Maîtres de l'Air. J’honorerai la tâche qu'ont reçu les Maîtres : je protégerai mon peuple. »
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Mer 1 Aoû - 21:30
Le Maître qui avait probablement évité à son ennemi juré une blessure importante, constatait indignement que celui de l'Air ne faisait qu’occulter ce qu'il venait de faire pour lui. Bientôt une immensité d'air et de sable mélangés s'éleva dans les airs, d'une puissance phénoménale. Keïross sentis soudainement le changement, un frisson lui parcouru l'échine, un frisson de milles et unes sensations. Celles qui poussent l'adrénaline, celles de la défense, celles de la colère. Cette masse mouvante s'approcha, s'enrôlant près du Maître de l'Eau. La perfidie à l'état pure. Les yeux du Roi Eau fondèrent en un noir profond, qui en réalité était un marin d'une noirceur infinie. L'Eau qui animait son corps tout entier, d'une translucidité mêlée à un bleu de milles et unes variantes se transforma en un blanc immaculé, couvert d'autant d'argent cristallin. L'Eau était devenue glace, aussi dure que le rock, aussi froide que l'immensité de l'espace. On aurait pu croire à une sculpture créée dans la glace la plus épaisse et dure qu'il soit, une sculpture sans vie tant il devait être impossible pour un être vivant d'en supporter le poids. Mais elle bougeait bien. Les flancs de la créature se soulevaient, une fumée blanche s'évadait de ses poumons, son corps semblait si léger à chacun de ses mouvements, comme si cette glace même était un corps à part entière, un être de glace, de vapeur, et d'eau. Son regard était planté dans celui du Maître de l'Air, dont il percevait la rudesse derrière ce mur d'air et de sable. Il resta d'une immobilité désarmante, montrant à Szèl que son tour n'avait l'effet que d'une brise sur son âme. Pourtant il sentait le fouet incessant de l'air contre sa peau de glace, il sentait les sables échappant à la gravité venir se fracasser contre la silhouette du Maître de l'Eau, de la créature millénaire. Il sentait tout cela, mais il n'avait pas peur. Cela attisait davantage sa rage comme le feu s'alimente de l'essence. Affamé.
La mer se tut soudainement, elle sembla silencieuse.
Et pourtant, malgré tous les efforts de Szèl, le Maître de l'Eau ne pensait qu'à cette lâcheté et cette arrogance dont le Maître de l'Air avait fait preuve. Était-ce si dur de répondre à une seule, et unique question? Le silence était plus révélateur que la moindre de ses paroles. Il était comme eux, il ne faisait que le lui prouver avec cette tempête qui enrobait Keïross comme un traqueur piège sa proie.
« Tu es si... ignorant. » Siffla t-il lentement. « J'éradiquerai ceux de ton espèce, si un seul, -oui, un seul, tu entends bien- fils ou fille de l'Eau vient à souffrir d'un de tes disciples. » Sa voix était rageuse.
Mais ce n'était pas une proie. La mer qui jadis s'était tut n'avait fait qu'approcher en silence. Une vague silencieuse, d'une hauteur équivalente à la tempête fondait sur le cône fait de vent et de sable. Elle se déplaçait à une vitesse incroyable, dépassant probablement les cinq cents kilomètres par heure. La mer semblait baisser de niveau, tant le mur était haut. Mille mètres. Six cents mètres. Deux cents mètres. Un bruit fracassant. L'Air et l'Eau se percutèrent dans une violence insoutenable, faisant vibrer le sol sous leur combat. La vitesse du mur d'Eau eu raison de la stabilité de l'Air, le repoussant suffisamment pour s'enrouler entièrement autour du Maître de l'Eau. La largeur de la vague prenait une majeure partie de la côte, pourtant, oui pourtant, elle ne fondit pas sur le Maître de l'Air, prenant soin malgré elle, dans ce tumulte de rage d'épargner un de ceux qui l'avait rendu si haineuse. L'affaire ne dura que quelques secondes. La mer recula, léchant, glissant sur le sable malmené. La vague retourna dans les entrailles de la mer, en son sein. Silencieuse, horriblement silencieuse.
Le Maître de l'Eau, la créature millénaire, avait disparu avec elle.
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Mer 1 Aoû - 23:12
Szèl ne se sentait plus maître de ses mouvement. Il se sentait marionnette. Tout ce déchaînement autour de lui, cette haine et cette rage, tout cela ne lui ressemblait pas. Ces paroles ne lui ressemblaient pas. Szèl louvoyait. Il se cachait, évitait, fuyait. Il ne prenait pas des positions aussi tranchées, aussi fortes, aussi... dangereuses.
En un instant, tout fut terminé. La mer qui s'était tue se dressa, monumentale, furieuse, affamée. Devant cette gueule liquide béante, hérissée de dents d'écume moussante et hurlant comme une bête en colère, l'instinct le plus primitif de l'étalon perlino ressurgit. La mer rencontra le vent, et le Maître de l'Air ressentit le choc jusque dans ses os. Sous la force de cette vague immense, le vent se débattit férocement, presque désespérément. Mais l'instinct le plus primitif, celui de la survie, rappela à lui les forces à l’œuvre. Libérant la créature de glace qu'il enserrait, le serpent d'Air se rabattit sur son maître. Il s'enroula comme une bête fauve au coin d'un feu, protégeant son Maître au creux de son ventre de souffles. Et lorsque tout s'éteignit, la plage était vide. Le Maître de l'Eau s'était évaporé, emporté par sa servante, fondu dans ce mur d'Eau. Sur la plage sinistrée il ne restait que le crème, hébété. La présence qu'il avait ressenti l'abandonna. Il n'avait été que le jouet des Maîtres de l'Air. Il n'avait été que la marionnette docile de puissances qui le dépassaient. Mais il allait devoir en affronter les conséquences.
Par un miracle inexplicable, il parvint à aligner quelques pas, et s'approcha de la mer. Elle semblait calme à présent, reprenant son rythme normal. Il fit encore un pas, et les vagues épuisées vinrent lécher ses sabots couverts de sable. Il soufflait fort, ses flancs se soulevant irrégulièrement. Ses yeux azurs observèrent un moment l'horizon, puis, dans un souffle, il murmura, ultime confidence à la mer :
« J'ignore en quoi je suis différent de mes ancêtres. Comment être différent d'êtres qu'on n'a pas connu ? Je suis ignorant, et je suis sans famille. Seules sont là pour me guider des fables et des rumeurs. »
Il s'arrêta, inspirant plus calmement à présent l'Air salé de la mer. Le Maître de l'Eau était-il encore là ? Où était-il, caché dans cette plaine mouvante ? Ou alors, peut-être était-il cette plaine mouvante, faisant corps avec elle jusqu'à la constituer ? Szèl secoua légèrement la tête. Il ajouta, dans un murmure que seule la mer et le vent, à présent indifférent, semblaient destinés à entendre :
« Mais je suis certain d'une chose : je ne renierai pas ce que j'ai reçu. J'ai des êtres à protéger, et je ne faillirai pas. Et je ne tolèrerai pas que ta rancœur tue les miens, Keïross. »
Il jeta un dernier regard à la mer. Le Maître de l'Eau allait-il surgir à nouveau ? Au fond, ils étaient assez semblables. Si Szèl en avait eu l'occasion, il aurait disparu ainsi. Comme il le faisait toujours. Comme il l'avait toujours fait. L'arrachant à ses pensées, la mer vint lécher plus fort ses antérieurs. Il souffla doucement sur l'écume qui s'accrochait au sable, puis s'apprêta à tourner les talons. Et telle une réponse, l'eau se déversa soudain du ciel. La pluie, battante et glaciale, lui cingla les flancs. Il frissonna, et marcha sur la plage. Ainsi, tout était déjà terminé ?
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Sujet: Re: Entre ciel et mer • Keïross [FINI] Lun 6 Aoû - 19:54
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Entre ciel et mer • Keïross [FINI]
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