En faite, L'Air n'est pas très active. Oui, je dirais même que les membres vont et viennent comme dans un pays libre. Mais nous ne sommes pas dans un pays libre. N'est-ce pas ? Je pense que même les Maitres se détournent de leur but. Quels buts, d'ailleurs ? Je ne peux dire ça de Szèl, parce que je le connais bien, mais l'autre, là, la Maitresse de l'Air me semble assez perdue. Pourquoi elle pour un rôle si important ? Elle ne semble même pas capable de se protéger elle-même ! Même moi, j'ai un meilleur profil pour le rôle. Je ne dis pas que je ne voudrais pas l'être hein ... Mais si c'est mon tour, un jour, j'en serais honorée. Bien que, je trouve ça un peu effrayant. Que fait-on, lorsqu'on est en colère ? On se déchaine. Et si les pouvoirs suivent ? Est-ce que nous, eux les Maitres, sont capable de réduire ce monde à néant ? Déjà que rien n'est très beau ... Oh, je sais, je me pose toujours un tas de question, mais c'est comme ça qu'on m'aime, non ? Trêve de bavardage, je sais, mon égo semble surdimensionné. Certains trucs, je les penses, c'est plus fort que moi. Alors, aujourd'hui, ne trouvant pas Szèl -oui, c'est mon meilleur ami-, je décidais de faire un tour. Où, je ne savais pas encore, mais je finirais par m'arrêter. Au fond, qu'est-ce qui me retenait, ici ? Pas grand chose. J'ai toujours été une jument qui bougeait beaucoup, ne restant jamais tout le temps en même endroit. Toujours un peu indomptable, solitaire. Bon, ce n'est pas comme ça que j'aurais une descendance, mais je finirais par trouver. Le moment n'est pas à parler de mes futurs -ou non- enfants. Je finissais toujours par réfléchir à des tas de choses pas très important, très ennuyeux et je finissais par m'ennuyer toute seule. Facile. Aujourd'hui, prise d'une furieuse envie de me vider la tête, je galopais. D'un puissant coup de rein, je me propulsais au devant. Ou ? Droit devant, la terre s'arrêtait, un jour, et je ne savais pas encore où. Ce ne serait pas pour tout de suite.

Galoper, encore, toujours. Les crins dans le vent, comme s'il me parlait. Volerais-je, un jour ? Comme l'aigle que je vois devant moi ? Si je m'élance, est-ce que je resterais en l'air ? Non, je ne pense pas, mais je vais quand même essayer. Je m'appuie sur mes jambes arrière, bondissant haut, loin. Et j’atterrissais, continuant toujours cette danse avec le vent. Le galop, toujours aussi rapide. Je dépassais des terres, sans repère. J'allais peut-être si vite qu'on ne remarquais que mon odeur derrière moi. C'est amusant de penser que je passais, comme ça, sans rien dire. Et puis, de toute façon, je me fichais bien de ce que je faisais. J'en avais envie, c'est tout. Pas besoin de demander la permission. Je pense que j'étais passée par le territoire de l'Eau et j'eus un sourire mesquin pour les deux Maitres. Oh, je pense que je risquais pas grand chose. Avec Keiross, c'est une longue histoire. Amusante, changeante, mystérieuse, discrète. Belle aussi, bien que je n'utilise ce mot que très rarement. J'aime notre relation, j'ai parfois peur de penser à cette relation. Elle me fait plaisir et ça, c'est mal. J'ai peur de me demander jusqu'où ira cette relation. Oui, Keiross, jusqu'où est-ce que nous irons ? Loin ? Aurons nous l'intelligence d'arrêter ce jeu avant qu'il soit trop tard ? Ou plutôt, montrons l'exemple. L'Air et l'Eau peuvent coexister, ce n'est pas une tare. Un petit sourire pour cette phrase, que je ne cessais de penser. Ah, bizarre, en effet. Finalement, a bout de souffle, ma robe luisante, je ralentissais, passant au pas, un pas calme, pour reprendre contenance. Je me secouais. Cette robe noire d'ébène n'est pas toujours la meilleure pour tout. Quoique, elle séduit souvent les étalons, je ne comprends pas toujours pourquoi. Bref, j'arrivais dans la forêt aux milles lucioles.

J'avançais d'un pas mesuré, mes oreilles se tournant dans tous les sens. Oh, c'est un blague, je suis suivie ?! J'entends tes pas, l'ami, je ne sais pas encore qui tu es, mais je ne compte pas m'arrêter tout de suite. Je ne suis pas une proie facile ... Je souris à cette pensée et accélère le pas. Je ne sais où je vais arriver et je croyais que cette forêt avait ces limites, mais en faite, non. Bientôt, un silence et puis, cet arbre la, juste devant moi. Je retiens mon souffle, émerveillée. Oh, je crois connaitre cette légende ... Mais, c'est une légende, non ? Je fis claquer ma queue sur mes flancs, contrariée. Un amour si beau ne peut exister, c'est impossible. Restant sur place, mais tournant ma tête derrière moi, je fis un sourire ironique.

« Pas très discret, Keiross, je t'entendais de loin ... »

Bien sur, ce n'est qu'un jeu entre nous. Il ne me surprendrait jamais. Du moins, je le pensais. Sur mes lèvres, un sourire presque sincère. Détournant la tête, il fallait que je le cache, mais il devinerait facilement. Après tout, ce n'est pas la première fois que l'on se rencontrer. Un vieux jeux ... Qui sait comment cela terminera ?

J'observais l'imposant étalon. C'était plus fort que moi. Une fois qu'il se trouvait au même lieu que moi, il éclipsait pratiquement tout. C'était bizarre. Et puis, cela me rappelait cette danse à laquelle on joue sans cesse. C'est amusant, divertissante et pour une fois, une membre de l'Air et le Maitre de l'Eau s'entendait. Je pense que c'était rare. Étais-je une privilégiée ? Y avait-il eu une relation comme celle-ci, avant ? Si oui, comment avait-elle terminé ? Oh, je me pose trop de question. Keiross, qui avançait me frôla. Une douce sensation. Il fit comme si de rien n'était, mais je le connaissais un peu. Justement, quand il faisait une tête pareille, c'est qu'il essayait d'oublier quelque chose, de ne pas se faire remarquer. Il alla contourner l'arbre. Loin, loin de moi. Tu fuis, mon ami ? C'est amusant tout ça. Il regarde l'arbre et pendant un instant je fais pareil. J'aimerais mieux connaitre cette légende, je ne connais que les grandes lignes ! Je ne vis pas que Keiross me regardait. « J'ai toujours échoué à cette quête. » J'hochais la tête, un sourire sur mes lèvres. Toujours quand j'étais là en tout cas. Finalement, lui aussi trouvait ça drôle. Je le savais. « Mais celui-ci est loin de me déplaire. » Ah ? Il sourit, ironiquement. Et pourquoi cela ne te déplait pas ? Aimes-tu que je t'entende arriver ? Pourquoi ? Je plisse les yeux un instant, absorbée dans mes réflexions sans queue ni tête. Je me fais surement beaucoup trop de film dans ma tête. Finalement, je reviens à une attitude normale -pour moi-. Je me mis à marcher, lentement mais surement. Contournant l'arbre moi aussi. J'observais le tronc, l'écorce, la hauteur de l'arbre céleste sans perdre ce que Keiross faisait. Néanmoins, arrivé à quelques pas, je le regardais de nouveau, toujours un petit sourire sur les lèvres.

« Pourquoi, tu aimes te faire remarquer ? »

Susurrais-je, amusée. Je repris ma marche, tournant autour de l'imposant étalon qui me dépassait encore d'une tête -j'étais trop petite ou quoi ?-, le frôlant au passage comme il l'avait fait en arrivant. Un petit jeu. Petit jeu qui finira comment ? Seul le temps le dira. Néanmoins, je pouvais toujours qu'on s'entendait bien, une belle amitié. Même si je ne savais pas trop ce qu'il pensait de moi, je pouvais quand même dire qu'on s'entendait bien. Je crois. Pourtant, je reste à ses côtés, pour une fois. Je peux sentir sa chaleur, je suis trop près, sans doute. Je me recule d'un pas ou deux. Je n'ai pas envie qu'il pense que ... Enfin, voilà quoi. Je l'aime bien, beaucoup même, mais je ne suis pas prête pour toute ses choses là. Enfin.

« Comment vas-tu, depuis ... ? Ça fait longtemps ! »

Murmurais-je, un peu gênée de ce que je venais de faire. Néanmoins, je ne regrettais pas mon jeu.