Si dans ce monde, braver l'interdit semble être une des actions des plus communes et banales, par laquelle il existe, il n'en demeure pas moins qu'il est rare de trouver Maître étranger, sur une terre étrangère. Mais les temps ont tellement changés, la récente guerre, les disparitions, la fameuse fragmentation qui perdure... Puis cette haine toujours aussi brulante au fond de son cœur, qui avant n'était que colère.
Le Maître du Royaume de l'Eau avançait pas après pas, d'un calme déconcertant mais d'un mental qui bouillonnait sous les souvenirs douloureux. Chaque pas était posés avec certitude, sans hésitation, et leur pose était lourde sur le sol moelleux. L'eau qui remontait en surface sous poids témoignait d'une forte pluie quelques temps plus tôt, et croyez-le ou non, cette fois-ci il n'en était pas la cause. Mais loin de lui déplaire, il avait laissé cet orage passer sa colère sur ces terres interdites, comme si les Cieux pleuraient de le voir s'aventurer dans la vallée interdite du Royaume du Feu, celle où les légendes perdurent et content des histoires sans fin, tristes ou dangereuses. Il ne su véritablement pourquoi, mais combien même il connaissait ces contes que les anciens s'étaient entêtés à rabâcher tout au long de sa trop sérieuse enfance, il ne parvenait à craindre ce lieu. Peut-être était-ce l'eau, qui tombée sur son corps et sur le sol lui rappelait combien sa puissance pouvait lui sauver la vie, ou la présence rassurante de cette source vitale apaisait sa conscience. Il n'en su rien, et pour dire vrai il ne chercha pas la raison de cette anormale quiétude.
Non, il avançait ... pas après pas.

Bientôt se dessinait son ombre au pied de ses sabots. De plus en plus sombre, de plus en plus déformée. Elle subissait l'astre Lumineux, si flamboyant et chaud qui parvenait à percer les quelques nuages qui se forçaient malgré tout à subsister. Il aimait ce doux parfum d'herbe humide, cette essence de Terre si sauvage et brute, la pigmentation de quelques fleurs qui parvenaient à déployer leurs pétales, et les premiers rayons du soleil qui chauffent doucement la peau et revigore tous les sens. Il appréciait humer l'air, laissant place aux sensations que peu ont l'occasion d'avoir en société, trop absorbé par la vision des choses et les paroles qu'ils font couler sans savoir eux-même ce qu'ils racontent. Le Maître aimait se promener, seul, où qu'il soit, quoique la nature lui propose. Mais aujourd'hui elle lui réservait autre chose, car une silhouette se découpait au loin.
Non, ce n'était pas une ombre.